Présentation du projet de loi

 

En clôture des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, mardi 28 septembre 2021, le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé plusieurs mesures, dont le remboursement de consultations de psychologue et la création de 800 postes dans les centres médico-psychologiques (CMP).

Pour répondre à la forte demande de soins, l’Assurance-maladie remboursera donc dès le début de l’année 2022 des consultations de psychologues libéraux « pour toute la population à partir de l’âge de 3 ans ». Cette prise en charge se fera toutefois sous conditions : les patients devront être « adressés par prescription médicale dans le cadre d’un forfait de consultation », la première séance étant facturée 40 euros et les suivantes 30 euros chacune, le tout renouvelable l’année suivante si besoin.

Toujours dans l’optique d’améliorer l’accès aux soins, les mesures suivantes ont été prises :

La création de 800 postes sur 3 ans dans les centres médico-psychologiques (CMP) à partir de 2022 pour « réduire au maximum les délais d’attente », a annoncé Emmanuel Macron. « Dans les territoires qui sont le plus en tension », ces délais d’attente sont actuellement « supérieurs à dix-huit mois, pendant lesquels évidemment la santé des personnes souffrantes se dégrade », a relevé le chef de l’État. Il est donc prévu de créer 400 postes pour les centres médico-psychologiques infanto-juvéniles et 400 postes dans les centres médico-psychologiques adultes.

La création de 20 équipes mobiles pour la prise en charge des personnes âgées en EHPAD et dans les structures médico-sociales.

La mise en place d’une maison des adolescents dans chaque département et de 100 places en accueil familial thérapeutique sur deux ans.

 

Pour ce qui concerne plus particulièrement la question du remboursement des consultations de psychologue, le projet de loi prévoit que ce remboursement se fasse :

Sur prescription d’un médecin : il s’agit donc de la fin de l’accès libre au psychologue, de compliquer la démarche puisqu’il faudra désormais prendre rendez-vous chez son médecin traitant dont on peut se demander sur quel critère il va rédiger son ordonnance dans la mesure où il n’a aucune formation en psychopathologie. Et comment vont faire les personnes qui habitent dans des régions où il est difficile de trouver un médecin généraliste à telle enseigne que l’on parle de « déserts médicaux » ? Que dire enfin du respect de la vie intime de la personne qui souhaite consulter un psychologue sans avoir à confier ses problème affectifs, sentimentaux, ses phobies et autres angoisses à son médecin généraliste ?

Pour les troubles anxieux et dépressifs légers à modérés : les personnes souffrant d’autres troubles : deuil, stress post-traumatique, burnout, trouble important du sommeil, trouble du comportement alimentaire, dépression et anxiété sévère, difficultés relationnelles, etc. n’auront donc pas accès aux consultations d’un psychologue.

Il est actuellement prévu une 1ère séance de bilan de 40 minutes et 7 séances de 30 minutes maximum : ce temps est beaucoup trop court pour effectuer un véritable travail thérapeutique. Cette durée de consultation imposée par le gouvernement sans concertation avec la profession a été faite en toute ignorance de la pratique du psychologue.

La tarification imposée par le gouvernement est de 40€ pour la 1ère séance et de 30€ pour les suivantes : ce tarif est de 50% inférieur à ce qui est pratiqué par la profession, tarif lui aussi imposés sans concertation. Aucun dépassement d’honoraire n’est autorisé. Déduction des charges faites, le psychologue aurait par conséquent une rémunération équivalente à celle d’un SMIC pour 5 à 8 ans d’étude !

Le nombre de psychologue conventionnés sera limité à 3000 pour toute la France : ce qui est très insuffisant pour répondre aux besoins de la population. Les délais d’attente seront par conséquent très important.

 

Comme cela a déjà été souligné, l’ensemble de ces décisions a été pris sans aucune concertation avec les psychologues et les syndicats qui les représentent.

Le Monde avec AFP, publié le 28 septembre 2021 – Mis à jour le 04 octobre 2021 rapporte les propos suivants :

« C’est absolument scandaleux ce qu’on vient d’entendre, ça marque un mépris profond de notre profession et de la population », s’est de fait insurgé Patrick-Ange Raoult, secrétaire général du Syndicat national des psychologues (SNP), vent debout notamment contre le passage obligatoire par un généraliste pour bénéficier de ce forfait.

« Les psychologues veulent défendre leur indépendance vis-à-vis de la médecine », a aussi expliqué Laurent Laporte, de la CGT, lors d’un rassemblement devant le ministère de la santé, organisé peu avant les annonces présidentielles. « On voudrait être associés, on ne l’est pas, ils décident de tout sans nous, avec des médecins », a abondé Christine Manuel, du SNP.

 

Pour ce qui me concerne :

Afin de continuer à vous proposer un accompagnement psychologique de qualité, j’ai décidé, comme nombre de mes confrères et consœurs, de refuser ce dispositif de conventionnement maltraitant pour les patients et pour les professionnels en écrivant un courrier à l’ensemble des députés et sénateurs, courrier qui reprend les points développer plus haut ainsi que les points suivants :

Comme nombre de mes collègues, je suis pour le remboursement des consultations de psychologue mais pas n’importe comment.

Faut-il rappeler aux membres du gouvernement que les psychologues qui travaillent dans le soin psychique ont une expérience et une formation de haut niveau qui leur permet d’évaluer les situations de souffrance psychique et de se prononcer sur l’opportunité d’une intervention de leur part.

Les psychologues et les médecins travaillent et collaborent de façon confraternelle y compris dans le cadre restreint de la prise en charge des consultations en libéral. Mais la pratique des psychologues ne peut cependant pas être soumise à un avis médical. En effet, contrairement par exemple aux soins prodigués par des infirmières ou des kinésithérapeutes, le soin psychique ne se prescrit pas. La psychothérapie n’est pas un traitement qu’on prescrit comme un médicament. La psychothérapie suppose une rencontre entre le psychologue psychothérapeute et le patient. Elle fait l’objet d’un souhait de la part du sujet en souffrance : celui d’aller mieux.

La santé mentale ne se réduit pas à une affaire de médecine et de médicament, elle est aussi – surtout – une affaire d’humanité. Les sciences humaines doivent donc pouvoir prendre toute leur place et leur part dans la prise en compte de la souffrance psychique, à côté de la science médicale, et sans y être soumise. La préservation de l’accès libre et direct aux psychologues doit par conséquent être clairement garantie.

Pour faciliter l’accès à des consultations de psychologue au plus grand nombre et en particulier au public en situation de précarité, il conviendrait d’augmenter considérablement le nombre de postes de psychologues dans le service public, et avec un salaire digne. Cela vaut également pour les psychologues du secteur privé, qui participent aux missions de santé publique, et dont les rémunérations sont aussi insuffisantes.

L’annonce de la création de 800 postes dans les centres médico-psychologiques (CMP) est très insuffisant pour faire face à la pénurie de postes dans le médico-social, les services publics, hôpitaux, Centre Médico-Psychologique (CMP) et autres Centres d’Action Médico-Sociale Précoce (CAMPS). C’est pourtant dans ce secteur d’activité qu’il aurait lieu de recruter de façon significative du personnel soignant dont des psychologues correctement rémunérés. Toute personnes en souffrance, et quelle que soit sa souffrance devrait pouvoir consulter un psychologue sans prescription médicale et sans limite du nombre de séances.

Au lieu de cela, le gouvernement cherche à compenser ses propres défaillances dans ces secteurs fragilisés depuis longtemps et désormais gravement menacés en imposant une sous-tarification d’un nombre limité d’actes en libéral.